ISSN 2300-4681, e-ISSN 2353-8953
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« LA SOLITUDE »
La solitude ne semble pas (plus ?) à la mode. Après l’avoir louée pendant des décennies, conformément soit au modèle romantique de l’individu, soit à celui – mais ne s’agit-il pas du même modèle ? – de l’artiste moderne obligatoirement isolé et incompris, la Doxa actuelle la rejette en bloc avec toutes ses conséquences, psychiques et sociales, les unes toujours plus néfastes que les autres. Le temps est au collectif, depuis déjà un bon moment. Ce qu’on appelle l’atomisation et l’aliénation sont devenues des ennemis parmi les plus dangereux, de ceux qui menacent la marche vers le bonheur communautaire.
Quant à la littérature, elle semble, elle aussi, pour ainsi dire, prendre le parti de Diderot contre Rousseau. Celui-ci, en effet, reprochait à l’auteur du Fils naturel de le viser quand il faisait dire à Constance : « il n’y a que le méchant qui soit seul ». Or, les « écritures d’intervention », dont l’avènement est annoncé par Alexandre Gefen dans L’idée de littérature, sont le plus souvent celles qui
« interviennent » dans le tissu social, collectif, et ceci dans des buts égalitaires ou écologiques, toujours loin de l’égocentrisme voire de l’égoïsme caractérisant les œuvres des représentants de « l’art pour l’art » et d’autres héritiers du « promeneur solitaire ».
Mais paradoxalement, Rousseau – qui ne sert ici que d’exemple d’écrivain de la solitude − est aussi l’auteur du Contrat social et d’autres écrits préparant l’avènement de l’ère du collectif. Pensons aussi à d’autres classiques de la solitude moderne : Baudelaire avec ses « vieillards » et ses « petites vieilles », Proust avec son « sens du social », comme l’a appelé Jacques Dubois. Ne faudrait-il pas repenser aujourd’hui cette solitude – la leur mais aussi celle d’autres écrivains de la modernité
« égoïste » − à la lumière du triomphe du collectif et de l’intervention ? Non seulement pour dénicher dans cette solitude des traces de l’esprit communautaire, mais encore pour réfléchir sur son mode de fonctionnement dans les textes mêmes, sur sa réception critique (et collective !), et sur les effets que la solitude peut provoquer dans le champ littéraire. Il serait également intéressant de se pencher sur la place de la solitude au moment où elle est reléguée au second plan par d’autres modèles de vie. Tels sont les objectifs que se propose d’atteindre ce numéro des Cahiers ERTA consacré, comme toujours, aux littératures d’expression française du XVIIIe au XXIe siècle.
Bibliographie indicative :
Amar R., Les structures de la solitude dans l'œuvre de J.-M. G. Le Clézio, Paris, Publisud, 2004.
Destain C., Jean-Jacques Rousseau, l'au-delà du politique : de la solitude des origines à la solitude autobiographique, Bruxelles, Ousia, 2005.
Fougère E., La peine en littérature et la prison dans son histoire : solitude et servitude, Paris, L’Harmattan, 2001.
L’Invention du solitaire, textes réunis et présentés par Dominique Rabaté, Modernités n° 19, Bordeaux, 2003.
Maugey A., Poésie et société au Québec : de la solitude à la solitude rompue, préface par
Melchior-Bonnet S., Histoire de la solitude. De l’ermite à la célibattante, Paris, Presses Universitaires de France, 2023.
The Routledge History of Loneliness, éd. K. Barclay, E. Chalus, D. Simonton, London, Routledge,
2023.
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